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Il me semble être entrée rue blanche en octobre 1964, je devais être reçue au conservatoire en 1965.

Cette année au centre a été la plus belle année de mes études théâtrales. J'étais élève dans la classe d'Henri Rollan avec Catherine Siriez, Olivier Descamps, Joël Demarty, Jean-Claude Bélier, Alain Macé, Gerard Borland, Marie-France Du Sorbier De La Tourasse, Martine Pibault, Willy Safar, Jacques Gaillard, Didier Bétourné… Je me trompe peut-être sur quelques noms, mais je ne crois pas.

Cette ambiance de travail joyeuse, amicale, tous les corps de métier rassemblés dans cette belle maison, avec ce jardin où nous travaillions l'escrime et les combats aux bâtons avec Maître Gardère ! Les repas à la cantine chaleureux ou une bienveillante solidarité nourrissait   ceux qui ne pouvaient y accéder.

Je me souviens d'un concours de têtes ou une émulation joyeuse règnait dans toutes les classes, Catherine Siriez en Néfertiti était magnifique. Dominique Borg était Sarah Bernard. Je m'étais fait la tête d'Yvette Guilbert à la grande surprise du jury, j'entends encore leurs éclats de rires, moi qui avais un emploi de tragédienne... Mais c'est la tête de Catherine Siriez qui  m' avait le plus impressionnée. Je crois qu'elle avait eu le deuxième prix.

Je me souviens des cours d'Henri Rollan, son entrée, gitane maïs au coin des lèvres : il envoyait son chapeau sur la tête de La Thorilliére[1] il s'asseyait à son bureau, fredonnant une chanson de Maurice Chevalier puis il rassemblait toutes ses forces avec quelquefois un cri, tapait du poing sur la table. (Il souffrait d'un cancer).

C'était les heures de bonheur, avec un maître exigeant, dur parfois, d'une immense culture. Il était éblouissant l'œil incisif, ne laissant rien passer. Son enseignement était un pur bonheur.

Je travaillais Bérénice, la scène avec Titus :

« Ah un seigneur ! Vous voici.

Eh bien, il est donc vrai que Titus n'abandonne ?

Il faut le séparer. Et c'est lui qui l’ordonne. »

Je ne suis jamais allée plus loin pendant tout le cours, m'arrêtant à chaque fois qu’Henri Rollan me donnait des indications, parlant de chair palpitante, de musique, de Debussy... À la fin du cours j' étais épuisée, débarrassée de toutes les scories. Il m'a dit : « ça commence à se dessiner » avec un sourire affectueux. J'étais heureuse !

À l'époque il jouait le cardinal d'Espagne à la Comédie Française où il était génial, auprès de lui André Falcon jouait le rôle de Luis Cardona, et j'allais partager sa vie pendant quarante-quatre ans.....

Henri Rollan n'était pas seulement un professeur, il était aussi un maître à vivre et à penser. Il a été mon premier confident à propos de mon amour pour André. Il a toujours été là pour moi, il fut un père spirituel et jusqu'à sa mort est resté affectueusement attentif à ma vie, moi qui étais son « petit bouchon ».

Tout cela est sans doute très brouillon, peut-être que cela recoupera d'autres souvenirs de camarades... Jean-Louis Thamin qui était en régie était auditeur chez Rollan, il travaillait Dubois dans « Les fausses confidences » et je lui donnais la réplique dans  Araminthe. Je me souviens aussi de Christian Damman qui a fait carrière à la Comédie Française et qui est décédé il y a quelques années. Toutes ces personnalités qui éclataient dans la force de leur jeunesse...

Nicole Falcon

 



[1] Chaque salle portait le nom d’un comédien de la troupe de Molière et était doté, en général sur une cheminée de marbre, d’un buste en plâtre de celui auquel la salle était dédiée. (N.D.L.R.)

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