Overblog
Editer la page Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
/ / /

Il y a tant de choses à dire sur mes deux années passées à l’Ecole de La Rue-Blanche (promotion 1991-1993). Ce fut d’abord une extraordinaire aventure artistique et humaine, riche de rencontres. Le lieu, en lui-même, mérite le déplacement : magnifique hôtel particulier avec boiseries et plafond à caissons dans certaines salles et petit jardin privatif planté de quelques arbres.

C’est dans cette école que ma personnalité et mes envies ont vraiment pu commencer à émerger et s’épanouir. J’y ai trouvé l’émancipation dont j’avais besoin. L’enseignement était dense par la qualité de ses professeurs, mais aussi par la diversité de ses cours tels que la danse, les claquettes, l’écriture, le Tai-chi-chuan, le masque, en plus de la comédie et tragédie bien-sûr. Je trouvais également merveilleux de pouvoir visiter le travail des autres divisions ; scénographes, costumiers, éclairagistes et administrateurs. Chose qui n’existe pas au Conservatoire de Paris. Toutes ces sections confondues participaient à donner une ambiance inoubliable dans cette maison lumineuse, remplie de vie, de gaité et de chaleur.

 

Si on me demandait de retenir un de mes plus forts souvenirs de mes deux années passées à l’Ecole de la Rue Blanche, je retiendrais celui-ci :

France Rousselle nous avait demandé de venir à tour de rôle, lire le texte que l’on avait choisi d’interpréter. Pour ma part, il s’agissait d’un monologue de la « Veuve » de Pierre Corneille. J’avais pris en considération ses recommandations, à savoir : simplicité et abnégation de toute volonté de faire. Pas de costume, pas de décor, pas d’effet. Juste une chaise et le texte. Ma seule résolution était celle de l’abandon dans ce moment d’intimité que j’allais partager avec les autres. Assise au centre de mes camarades, j’entamais ma lecture à haute voix comme si je découvrais le texte pour la première fois. J’étais bien loin de me douter du compliment que j’allais recevoir. L’émotion vint doucement à moi au fil de la lecture. Je m’efforçais de la retenir le plus possible. A ma très grande surprise, France Rousselle, qui passait pour une « dure à cuire » fondit en larme. Elle me couvrit de louanges dithyrambiques. Me surprendre moi-même à surprendre les autres était mon pour moi le plus beau cadeau du monde. Toucher le cœur des autres est une victoire pour tout comédien. Cet épisode m’a définitivement convaincu de la simplicité et de l’abandon avec lesquels il faut aborder tout personnage et tout texte.

        

Si je devais retenir le moment le plus drôle, et ils sont nombreux, j’évoquerais celui-ci :

On passait à tour de rôle nos scènes devant Gérard Lartigau. Je travaillais sur le rôle d’Eriphile dans « Iphigénie » de Racine (Mon auteur préféré). Je m’évertuai à trouver la sincérité dans la force d’une longue tirade qui m’emportait. Un peu trop, car tel un cheval emballé, je n’hésitais pas à répéter ‘Hé Quoi !!!’ ‘HEEEEEEEEEEEE  QUOOOOOOOOOOI !’ ‘HHHHEEEEEEE QUOIIIII !’, tantôt en hurlant dans les aigus, tantôt dans les graves, oubliant que mes camarades pleuraient de rire à s’en tenir les côtes. Faisant abstraction de l’hilarité ambiante, je continuais dans ma lancée, persuadée que j’allais enfin découvrir la vérité de mon personnage. Mais, le fou rire finit par me gagner malgré tout et j’eu bien du mal à retrouver mon sérieux du début. Tout le monde y comprit moi, fut quitte d’une sacrée dose de rires. Excellent pour la santé.

 

         J’ai bien envie d’évoquer également la fois où Jean-Marie Binoche nous avait demandé d’improviser des scénettes. Portant un des masques que J.M avait apporté, je m’étais déguisée en grosse campagnarde. Je l’avais entiché d’un énorme postérieur, d’une poitrine tombante, d’une sorte d’accent et d’une démarche assez peu séduisante. Tremblante de peur, j’avais l’impression de me jeter du haut de la falaise. Foutue pour foutue, je me suis lancée à fond dans mon délire et j’en fus finalement très contente et récompensée. Hilares, Jean-Marie et mes camarades me gratifièrent largement en me déclarant que la Marie-Christine avait disparut derrière son personnage. On m’avait oublié derrière cette campagnarde brave et paumée. Quel comédien ne rêve pas qu’on lui dise après sa prestation sur scène ou dans un film (‘Je ne t’ai pas reconnu’). Les ficelles de l’acteur disparaisse derrière le personnage bel et bien incarné et pourtant fictif.

 

Il est un fait maintenant, que je ne peux occulter : Je me désole de voir cette école tomber à l’abandon dés lors que je passe devant le 21 rue Blanche dans le 9éme à Paris. Les vitres en biseau ébréchées, et les pièces vides ne laissent pas supposer la vie inoubliable qui l’animait de l’intérieur. J’ai appris que l’endroit était devenu associatif après avoir été squatté pendant des années. Je ne comprends pas que ce lieu ne soit pas réhabilité en centre de coaching pour acteurs entre deux contrats de Tournage ou de Théâtre. Là est une des difficultés de ce métier : toujours être dans une dynamique de travail et de perfectionnement. Ce serait précieux et utile quand on voit la multitude de stage de qualité très inégale. Appréciable aussi quand on sort d’une longue période de travail où l’on est très encadré, voir même assisté. A la fin du contrat, on se retrouve livré à soi-même. Il faudrait travailler à ce que ce lieu chargé de sens et d’histoire continue de porter les talents actuels et à venir afin de les aider à prendre leur plein essor.

 

Marie-Christine Laurent

Promotion 91- 93

Comédienne et auteure d’un premier recueil de poésies illustrées  « Loin d‘êtres Bêtes ». atlantica éditions.

Illustrations signées de Sophie Lucas/Bazin (Promotion scénographe 91/93 - ENSATT)

 

 

Partager cette page
Repost0

Présentation

  • : Le blog de Claude Quemy
  • : ENSATT / RUE BLANCHE, les 70 ans, un livre et aussi : Tout et son contraire: coups de gueule, etats d'âme, pensées pleines et creuses, gratouillis et tout ce qui vient et que personne ne lira ou presque.
  • Contact

Recherche