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19 mai 2011 4 19 /05 /mai /2011 16:49

AlainD’un bond dans ma mémoire, je me retrouve en effet en cette saison 64-65, salle La Thorillière, dans le petit cercle augmenté d’auditeurs libres qui entourent l’homme à la cigarette maïs, Henri Rollan, celui qui faisait passer les anges au-dessus de nos têtes. La langue, cette langue qu’alors je parlais sans vraiment l’entendre, semblait me revenir d’ailleurs, drapée soudainement d’un superbe relief. Ainsi de Mallarmé en passant par Mounet-Sully, notre professeur nous faisant mesurer le fait que les acteurs ne sont là que pour révéler à l’oreille des assemblées la richesse des mots et leur tournure ciselée par les poètes. Plus encore : que les paroles témoignent en celui qui les profère du tréfonds de l’être. J’en reçus l’injonction durable. À contrario, ou pour descendre un peu de cet Olympe, devant l’un d’entre nous qui passait sa scène en boule de nerfs agités, je réentends notre « maître » tripotant sa cravate, l’œil rieur d’un diable, lâchant enfin les dents un peu trop serrés : « Prends du bromure ! ». Inoubliable sonorité du vocable nous emportant avec la « dernière syllabe du dernier mot de la phrase » dans les ondes d’un rire général bien qu’aucun d’entre nous peut-être n’ait su ce que bromure pouvait bien vouloir dire.

Mais, quitte à en passer par une moindre euphorie, j’évoquerai maintenant un souvenir plus fâcheux. Vers le printemps de cette même année, je me rendis au fameux cours d’ensemble car s’y déroulaient les auditions d’un spectacle lequel parmi d’autres serait au programme du Festival corrézien d’Egletons. Il s’agissait cette année-là de Dom Juan de Molière pour lequel, assez audacieusement, je postulais pour le rôle de Sganarelle. Et ma joie fut grande d’en être élu par « l’ensemble » de concert avec mon camarade Francis Arnaud qui se vit prodiguer le rôle de Dom Juan. Imaginons le bonheur des jeunes gens que nous étions et comme cela pouvait nous donner des ailes !

     Cependant, notre incomparable directeur d’école, et j’ai nommé, vous l’avez deviné, l’impayable Jean Meyer estima son temps trop précieux pour nous le consacrer et trouva préférable d’aller chercher pour ces rôles majeurs des éléments plus chevronnés à l’extérieur de l’école. Ce qui donne une idée de l’ineffable grandeur et générosité de ce pédagogue. Il faut dire qu’il émanait de cette France d’alors un épais brouillard. D’ailleurs les langues rebelles n’allaient pas tarder, elles aussi, à se délier. Il le faudra bien. Ainsi, la mémoire nous faisant parfois défaut, le meilleur et le pire peuvent s’y croiser sans s’y reconnaître. Mais bien sûr c’est le meilleur miel de cette ruche bourdonnante que je garderai de ce Centre de la Rue Blanche. Au mieux, cela nous laisse des armes contre une autre France, celle d’aujourd’hui.

Alain Macé

P.S : salut à la classe d’hier … et à tous les vents : Catherine Siriez, Bernard Cousin, Dominique Borg, Joël Demarty, Jean-Pierre Chevalier, Géard Borland, Willy Safar, Nicole Jay-Falcon, Bernard Charnassé … et Corine Gosset, Monique Verret, Chantal Aynès, A. Libolt, Rufus, JL. Moreau, PH.Etesse, JL.Thamin, Nicole Garcia, Anne Alvaro, J.Déchamps, Michel Hermon et tant d’autres …

Quelqu’un a-t-il jamais eu des nouvelles de Reda Chris ?

 

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