Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
11 avril 2011 1 11 /04 /avril /2011 19:26

bernard COUSINJe suis entré au Centre d’Art Dramatique de la rue Blanche à l’automne 1963 après avoir travaillé un an à la « Communauté théâtrale » de Raymond Rouleau et Yves Brainville (excellents professeurs au demeurant !)

Tous les personnages pittoresques de la rue Blanche ont déjà été écrits par d’autres et je n’y reviendrai pas.

Mais c’est sûr que cette époque de formation où on faisait du théâtre de 10 h du matin à 17 h (plus les extras qu’on pouvait faire le soir) fut une grande période créative et un grand plaisir.

Il est vrai qu’après l’annonce des « reçus » Melle Lehot nous disait : « On vous a accepté non pas parce que vous étiez les meilleurs mais parce que vous étiez les moins mauvais » ! Quel accueil !

J’ai été distribué dans la classe de Jacques Henri Duval qui était grand comme moi et qui m’a appris, du coup, à ne pas trop gesticuler en scène. C’était un bon comédien mais il est parti trop tôt…

Cependant dès la 2è année je demande à entrer au cours renommé d’Henri Rollan. Dans tout ce que je viens de lire comme témoignages sur ce grand comédien les avis sont unanimes : l’excellence ! Certes il ne me convenait guère car lui, était plutôt petit et faisait de grands gestes  (alors que Duval m’avait appris à en faire peu) mais la culture de Rollan, son humanisme et son immense amour de la langue française nous fascinaient tous. Sa diction était unique et on la reconnaissait entre mille. (Son écriture aussi d’ailleurs – un peu à la Erik Satie…)

Ses cours se passaient ainsi : « Bon ! ben qui passe ? » commençait-il.

Un ou une volontaire se levait, suivaient deux ou trois répliques rapidement interrompues par H. Rollan. Alors il parlait, il parlait, du personnage, de l’auteur, du style, des expériences personnelles, des souvenirs, il établissait beaucoup de correspondances avec la musique, il nous faisait souvent rire. Ca pouvait durer 30 ou 40 minutes. Puis ensuite il s’arrêtait et disait : « Bon, ben, maintenant vas-y ! » Et il est vrai que la scène changeait !

Henri RollanJe veux signaler aussi qu’un coffret souvenir, après sa mort a été réalisé par Jean Périmony. Bien sûr ce sont des disques vinyles, (comme on dit maintenant) et il y avait une belle iconographie et je joins ici en PJ l’une de ses plus belles photos de cette époque. Nous avions 20 ans et nous ne rendions pas compte combien il était déjà âgé (il était né en 1888 !) et très malade. Bien sûr nous allions régulièrement l’entendre dans son grand rôle de l’époque « le Cardinal d’Espagne » à « l’usine nationale » comme il appelait alors « le Théâtre Français ».

Je possède encore un enregistrement d’un de ces cours : (la première scène de : le jeu de l’Amour et du hasard – Néron et Junie – le médecin malgré lui et lui-même dans un extrait du Cardinal Cisneros). C’est sur K7 mais tout à fait audible. Quelle émotion quand je l’écoute : c’est vraiment la voix d’outre-tombe !

 On peut dire – et on le ressent nettement dans les témoignages déjà écrits – que les élèves « qui ont eu »  Rollan comme professeur en ont été marqués à vie. C’est comme une filiation que nous avons reçue, une filiation de la bonne diction française de « l’art de bien dire » selon ses propres termes. Il était très respecté (mais assez coléreux aussi) et je me considère personnellement comme possesseur d’un héritage de l’art de bien dire que je tâche encore actuellement de communiquer.

J’avais aussi comme professeur d’ensemble Jean Meyer – qui m’avait « à la bonne » étant aussi grand que lui – et qui m’a fait comprendre bien des choses sur Molière (dont il était spécialiste) sur l’art de dire et de jouer Molière, dans un certain mouvement, sans trop s’attarder sur des subtilités et tout cela donnait du dynamisme et du rythme à la scène. Bien sûr il connaissait les différentes éditions de Molière, les bonnes et les moins bonnes et nous en instruisait.

Je n’ai jamais compris qu’on ait donné le cours de diction et de poésie à Robert Manuel qui convenait plus pour faire travailler la comédie.

Bien sûr j’ai été aussi distribué dans plusieurs spectacles montés par René Dupuy et par Jean Meyer lui-même.

Je parle dans mon site (bernardcousin.com) des conditions d’entrée bien plus difficiles que maintenant puisqu’on n’entrait qu’en simple auditeur (sans couverture sociale !) et ce n’était qu’au bout d’un an, après un examen, qu’on avait véritablement le statut d’étudiant ! Les élèves comédiens d’aujourd’hui ont bien de la chance !

Bien que beaucoup décrivent une ambiance bon enfant et cordiale la discipline de la rue Blanche était cependant très scolaire et assez stricte ! Il y avait un « surveillant général » et des punitions (par exemple recopier en entier un classique). Ca paraît incroyable de nos jours ! Il y avait aussi l’appel de tous les élèves deux fois par jour ! Et des interphones dans les classes permettaient à Melle Lehot de nous surveiller, depuis son bureau, pour savoir si on travaillait véritablement ! Et si ce n’était pas le cas elle nous rappelait à l’ordre par ces hauts parleurs répartis dans chacune des salles !

Il y avait aussi des chahuts ! J’ai beaucoup chahuté Paul Blanchard qui était bien intéressant cependant et à la cantine j’ai lancé un « petit suisse » sur « le surveillant général » ce qui m’a fait passer en conseil de discipline et exclure de la cantine !

Et puis ensuite le « Centre d’Art Dramatique » est devenu l’ENSATT et j’ai dû passer à 40 ans le concours de sortie pour des raisons professionnelles !

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le blog de Claude Quemy
  • : ENSATT / RUE BLANCHE, les 70 ans, un livre et aussi : Tout et son contraire: coups de gueule, etats d'âme, pensées pleines et creuses, gratouillis et tout ce qui vient et que personne ne lira ou presque.
  • Contact

Recherche